Le concept de l’Approche territoriale met l’accent sur la problématique du développement, sous l’angle de la dimension spatiale, le développement faisant référence aux relations entre les dimensions économiques, sociales et environnementales. Privilégiant l’idée générale de bien-être, le développement renferme implicitement une dimension spatiale importante puisque la vie sociale et économique se déroule dans l’espace : d’où la nécessité d’une approche territoriale du développement. Ainsi, un regard territorial est de nature à appréhender différemment ce qui constitue le socle du développement. En effet, tandis que le principe objectif d’interdépendance a du sens lorsqu’on considère l’imbrication des territoires, une question telle que l’équité, au cœur de la problématique, cherche à se décliner en termes d’équité territoriale. Mais la dimension territoriale permet aussi d’appréhender de manière pertinente la question de l’applicabilité du développement, notamment en envisageant des situations où certains territoires seraient « tentés » par le développement alors que d’autres y resteraient étrangers.
A cet effet, les mutations structurelles en cours, tant sur le plan économique que social, sont naturellement porteuses de nouvelles opportunités de développement. Ces opportunités sont toutefois assujetties à certaines conditions qui relèvent d’une logique territoriale où les facteurs sociaux et environnementaux ont un rôle capital à jouer.
L’intervention de l’Etat en matière de développement a pour règle première de maîtriser la logique territoriale en évolution et de formuler une approche qui lui soit la mieux adaptée possible. Cette approche sera transversale et intégrée par opposition à une approche sectorielle et cloisonnée et proposera à cet effet des stratégies et mesures de soutien susceptibles de favoriser la réunion des conditions nécessaires à l’éclosion des initiatives de développement à la base.
Parmi ces conditions, qualité de vie, services de proximité, ouverture à l’innovation et avantages aux entreprises sont au premier rang. Les territoires, ne pouvant plus être « attentistes », se doivent d’être « pro-actifs ». Ainsi, le développement national repose très largement sur le dynamisme de composantes territoriales pertinentes, un dynamisme constitué de facteurs sociaux, économiques et culturels. Finalement, croisant développement et territoire, nous en arrivons assez logiquement à la question de la gouvernance, tout en décrivant ici certains enjeux du développement territorial sur la base des principes objectif d’interdépendance et normatif d’équité.
Les travaux de la première Convention internationale pour une approche territoriale du développement, tenue à Marseille en mars 2007, à l’initiative de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM), du PNUD et de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ont confirmé le rôle et la vocation des gouvernements régionaux et locaux en tant qu’acteurs du développement et, à ce titre, comme interlocuteurs des Nations Unies. Plus d’un millier de représentants de 400 régions du monde et leurs réseaux, mais aussi de gouvernements nationaux, de la Commission européenne, des Agences des Nations Unies, ont participé à ces journées.
Cette première Convention a traduit la volonté des Régions de contribuer à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), dans la perspective de lutter contre la pauvreté et les inégalités. Par leurs compétences, leur capacité à rassembler les acteurs locaux, par leur proximité avec les citoyens, les Régions sont des acteurs essentiels des politiques de développement et de solidarité et de la mise en œuvre d’une gouvernance mondiale plus efficace car davantage en prise avec les attentes des populations et apte à faire face aux effets d’une mondialisation qui va, en s’accélérant.
Les travaux conduits à Marseille ont notamment visé à proposer un cadre d’articulation pour une planification plus stratégique et la réalisation d’objectifs de développement économique et social par une approche harmonisée et multi-niveaux. En outre, ils ont traduit le souci de réduire la dispersion et la fragmentation de l’aide sur un même territoire.
La 2ème Convention internationale pour une approche territoriale du développement, qui constitue un forum international des régions, s’est tenue du 12 au 14 mai 2008 à Tanger. Cette rencontre, a été organisée par la région de Tanger-Tétouan en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Conférence des régions périphériques maritimes d’Europe (CRPM) et la région française Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Ce forum visait à mettre en relief le progrès qu’ont connu les collectivités locales ces dernières années, notamment en termes de diversité de leurs fonctions et de leurs activités et d’élargissement de leurs champs d’intervention, en vue de répondre aux défis du développement local.
Les participants à ce forum ont évoqué plusieurs thèmes tels que "Les Régions : les Enjeux et les perspectives dans le cadre de la Mondialisation" et "Nouvelle approche dans le cadre d’une coopération multipartite". Il a été tenu également des ateliers thématiques sur le renforcement du partenariat à travers une approche territoriale dans les secteurs économique, social, de la formation, de la recherche scientifique et de l’innovation, qui constituent un levier fondamental pour le développement local, ainsi que dans les domaines de l’environnement, du changement climatique, du développement commun et de l’émigration.
Le Gouvernement du Sénégal s’intéresse particulièrement à l’expérience de politique de cohésion qui a été développée en Europe depuis 1988. Celle-ci a permis à l’Espagne, l’Irlande, la Grèce et au Portugal, entre autres pays, de doter leurs Régions, non seulement de moyens nécessaires à leur développement mais aussi et surtout, de créer les conditions environnementales, institutionnelles et organisationnelles indispensables aux investissements tant publics que privés pour pousser le plus loin possible les taux de croissance. Cette politique de cohésion a contribué à diminuer progressivement les disparités de revenus au sein des pays d’abord, puis de l’Union Européenne en favorisant la réduction de l’écart entre les économies des Etats membres.
C’est cette trajectoire riche d’enseignements et pleine de succès que les pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) voudraient à leur tour tester et adapter aux situations concrètes qu’ils vivent. D’où toute l’importance du projet de création de la Plateforme des Régions, initié par le Ministère en charge de la Coopération Décentralisée du Sénégal et la Commission de l’UEMOA, au cours de la 2ème convention internationale pour une approche territoriale de développement, organisée à Tanger en 2008. Cette initiative a été soutenue par l’Union Européenne et le PNUD. Cette Plateforme est conçue comme un réseau de solidarité, de coopération, et d’intégration pour une promotion plus harmonieuse des politiques publiques de décentralisation et de cohésion territoriale.
Compte tenu du rôle prépondérant que nos collectivités territoriales jouent dans le développement de nos Etats, l’obligation de renforcement des prérogatives de celles-ci s’impose comme une condition sine qua non de promotion, d’encadrement et d’efficacité de l’approche territoriale du développement.
La Plateforme des Régions apportera aux collectivités et aux autorités locales, l’accompagnement et les moyens nécessaires à la satisfaction des besoins des populations en matière de réduction de la pauvreté et l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).
Le Gouvernement du Sénégal a mis en œuvre d’importants projets et programmes de développement exclusivement dédiés aux Collectivités locales.
Le Programme National de Développement Local (PNDL), initié par notre pays et appuyé par les bailleurs de fonds, dont la Banque mondiale, en est une parfaite illustration. En effet, le PNDL a pour objectif de contribuer à la réduction de la pauvreté, à travers l’action combinée des ministères sectoriels, des collectivités locales, des communautés de base et du secteur privé.
A côté de cet important Programme, le Gouvernement du Sénégal a également proposé une politique d’Approche territoriale du développement, avec la Région comme porte d’entrée, politique qui sera mise en œuvre aux travers du programme-cadre ART GOLD / Sénégal. Ce dernier programme a pour mission d’aider à articuler sur les territoires, et dans le cadre du processus de décentralisation et de gouvernance locale, les initiatives politiques et opérationnelles des différents acteurs internationaux, régionaux et locaux.
Ces politiques mises en œuvre par le Gouvernement du Sénégal s’inscrivent en droite ligne des principes de la déclaration de Paris de 2005 qui avait attiré l’attention sur la fragmentation et le manque d’impact de l’aide internationale et sur les grands problèmes qui préoccupent les populations : pauvreté, violence et insécurité, dégradation de l’environnement et changement climatique, migrations forcées et exclusion, désagrégation sociale, crise alimentaire et énergétique, etc.
Les enjeux de l’approche territoriale du développement sont multiples et réels.
Seule une véritable politique allant dans le sens d’un renforcement des pouvoirs, et surtout des moyens au niveau local, peut résoudre les difficultés liées à la faible efficacité de l’aide telle qu’elle se déploie encore aujourd’hui, et permettre ainsi à cette solidarité internationale agissante de contribuer à la désactivation des mécanismes d’appauvrissement. Une telle politique a pour objectif de jeter les bases réelles d’une volonté affichée des pouvoirs publics. La Région se positionne alors, comme fer de lance d’un processus de renforcement des territoires périphériques lequel contribue à un affaiblissement relatif de la métropole nationale. Les Régions ne sont plus de simples échelons intermédiaires entre les niveaux national et local, mais des maillons essentiels de la cohésion et de l’équité territoriale.
En effet, en donnant aux Régions la possibilité de développer leurs propres atouts en se fondant sur un développement concomitant des villes primaires régionales, l’Etat entend ainsi résorber les disparités régionales pour rétablir l’équité territoriale jusqu’alors soumise à rude épreuve. Désormais, les Régions responsabilisées deviennent maîtresses de leur destin pour contribuer positivement à l’effort de restructuration efficiente de l’espace national, condition sine qua non d’un développement territorial généralisé et harmonieux.
Dans nos pays en développement, l’espace régional constitue, à bien des égards, le cadre idéal dans lequel des énergies de toutes sortes peuvent être mobilisées pour conduire des actions de lutte contre la pauvreté avec succès et également à moindre coût, comme en attestent plusieurs expériences à travers le monde.
Le défi pour les Régions est de comprendre les mécanismes nouveaux de la logique territoriale et de mettre en place l’environnement nécessaire pour en faciliter l’expression. Il s’agit donc de construire, mieux de réunir les conditions de la dynamique territoriale porteuse de développement. En d’autres termes, il faudra mettre les Régions en état de mobiliser leurs potentialités, de produire des biens et services et de se développer.
Pour ce faire, la création de cadres territoriaux pertinents, en l’occurrence des Régions viables et fortes, capables de jouer le rôle de véritable locomotive du développement, s’impose afin de réaliser les objectifs de satisfaction des besoins des populations considérées, non plus comme assistées mais comme partenaires, dans une perspective de développement humain durable.
Au demeurant, pour émerger dans le concert des nations, notre pays a misé sur les territoires qui constituent ses réels atouts et richesses et donnent plus de chance à chacune de ces entités régionales. La prise en compte des potentialités identifiées dans des territoires non encore mis en valeur, ainsi que la maîtrise des bassins de production de biens et services, apparaissent aujourd’hui comme des orientations majeures pour la promotion d’un développement durable.
Ce postulat, plus fortement affirmé dès les premières années de ce troisième millénaire, constitue pour les acteurs du développement national un modus operandi et également une ligne de conduite vers la promotion d’un Sénégal émergent et conquérant.